Lutte contre le dumping social // Sous-traitants, pas sous-traités !

18 mars 2022
Actualité

Chaque année, la FGTB organise une journée d’action de lutte contre le dumping social. Le lundi 28 mars prochain, nous focalisons notre action sur l’importance de la responsabilité solidaire au sein de la chaîne de sous-traitance. Cette journée s’articulera autour d’actions de terrain, de sensibilisation et sur une interpellation des responsables politiques. Mais pour bien comprendre l’importance de la lutte contre le dumping social et notre choix de nous concentrer sur la responsabilité solidaire des entreprises, il nous semble indispensable de revenir sur quelques fondamentaux.

C’est quoi le dumping social ?

C’est l’ensemble des pratiques frauduleuses mises en place par certaines entreprises pour contourner le droit du travail et les règles de sécurité sociale applicables aux travailleurs. Qu'ils soient employés ou sous-traitants.

Que « gagne » l'entreprise en ayant recours à ces pratiques ?

En recourant à de tels stratagèmes – et en esquivant une série de règles pourtant obligatoires – ces entreprises espèrent obtenir un avantage sur le marché. Elles créent donc une situation de concurrence déloyale. Et ce sont les travailleurs qui trinquent.

Est-ce que ces pratiques sont vraiment courantes et répandues ?

Il s’agit d’un phénomène qui passe largement sous les radars. Il est donc difficile d’estimer l’ampleur réelle et l’impact du dumping social. Les situations sont d’autant plus complexes à identifier qu'elles impliquent souvent plusieurs pays, des «entreprises boîtes aux lettres», des travailleurs parlant une langue étrangère, etc.

Cependant, pour la seule année 2019, il est ressorti qu’une entreprise contrôlée sur trois était en infraction, et que les sommes récupérées (notamment en lois sociales) s’élevaient à plus de 63 millions d’euros. Le manque à gagner pour la sécurité sociale est donc énorme. Et il ne s’agit là que des entreprises qui ont été contrôlées (3.047 enquêtes) et dont l’enquête a « abouti ».

En quoi cela nous concerne-t-il ?

Les ravages produits par le dumping social sont immenses. Ils peuvent être directs (non-respect des conditions de travail ou destruction d’emplois) comme indirects (nivellement par le bas des conditions de travail d’autres travailleurs, manque à gagner pour le financement de la sécurité sociale). Schématiquement, les effets du dumping social sont les mêmes que ceux produits par une onde :

  • L’impact est d’abord visible et ressenti par un « petit » cercle : les travailleurs sont directement impactés ;
  • Ce premier cercle se répercute sur un autre, plus grand : les conditions de travail initiales des travailleurs sont revues à la baisse, au nom de la « compétitivité » ;
  • Enfin, l’impact se répercute sur l'ensemble de nos systèmes de solidarité et le financement de la sécurité sociale.

Le dumping social, c'est notre affaire à toutes et tous. Il est primordial de lutter ensemble contre ces pratiques. Il faut mettre un terme à la logique capitaliste qui prétend que les droits sociaux sont un obstacle à la libre concurrence. La santé, la sécurité, le bien-être, l’ensemble des conditions de travail et la sécurité sociale ne sont pas des variables à ajuster en fonction des besoins et désirs des entreprises !

Mais pourquoi ce focus, cette année, sur la responsabilité solidaire dans la chaîne de sous-traitance ?

Les longues chaînes de sous-traitances – la majorité de celles que nous connaissons actuellement – comportent un risque important de non-respect des normes sociales. Pour la raison simple que l’ensemble des contrats qui relient les maillons entre eux n’entraînent pas la responsabilité de toute la chaîne, mais seulement celle du cocontractant direct. Ce phénomène touche de très nombreux secteurs : la construction, le transport, l’horeca, les services, l’agriculture, le textile, le nettoyage, le gardiennage, les aides à domicile, etc.

Une illustration s’impose. Un travailleur travaille pour l’entreprise X, celle-ci est sous-traitée par l’entreprise Y et elle-même est sous-traitée par l’entreprise Z. Si le travailleur est victime d’une violation de ses droits (par exemple le non-respect de normes de santé et sécurité) et que, pour une quelconque raison, il ne peut se retourner contre l’entreprise X (car il s’agit par exemple d’une entreprise boîte-aux-lettres, donc fictive), ce travailleur ne pourra pas se retourner contre les autres entreprises de la chaînes (Y et Z) pour obtenir réparation, malgré le fait qu’il y ait de fortes chances que ces entreprises soient donneuses d’ordres.

Quelles sont les revendications de la FGTB ?

Notre revendication est claire : nous exigeons la responsabilité solidaire de l’ensemble de la chaîne de sous-traitance et, de manière complémentaire, une limitation de la longueur de cette chaîne.

La FGTB est en première ligne dans la lutte contre un ensemble de pratiques frauduleuses, dont le dumping social. Elle en a fait une de ses priorités ! La FGTB soutient une vision humaine et sociale de la libre circulation des travailleurs, trouvant sa place au sein d’un marché concurrentiel loyal et protecteur, dans lequel des règles effectives et cohérentes s’appliquent et qui sont assorties de sanctions réellement dissuasives.

Pour cette raison, nous revendiquons :

  • la mise en place de règles de responsabilité solidaire pour l’ensemble de la chaîne de sous-traitance et s’appliquant à l’ensemble du corpus social ;
  • l’adoption d’une loi anti-dumping social ;
  • le renforcement de l’ensemble des services composant l’inspection sociale ;
  • l’implication des organisations syndicales dans les procédures d’inspection sociale et un mécanisme de suivi de la procédure ;
  • une coopération entière et efficace avec l’Autorité européenne du travail et des mécanismes effectifs pour saisir cette Autorité ;
  • un ensemble de sanctions réelles, dissuasives et immédiates.

Pour l’ensemble de ces raisons, nous organisons ce lundi 28 mars une journée d’action de lutte contre le dumping social. Celle-ci se déclinera tant via des actions de terrain, que sur les réseaux sociaux, ainsi que via une interpellation du Ministre Dermagne.