La dignité humaine, variable d’ajustement ?

22 mars 2019
Actualité

Selon l’article 23 de la Constitution, chacun a droit à une vie conforme à la dignité humaine. A l’heure de l’austérité, des coupes budgétaires, des démantèlements des services publics… la situation est devenue critique autant pour les citoyens vulnérables que pour les travailleurs de ces services. Hôpitaux, maisons de soins et de repos, structures d’aide à la jeunesse, prisons… Toutes ces structures sont dépassées par le manque de moyens, avec à la clé des conditions de travail indignes et une mise en danger des personnes qui bénéficient de ces services.

La FGTB a organisé une journée d'étude pendant laquelle différents acteurs des services publics ont pu expliquer comment le démantèlement des services publics et sociaux a atteint un point critique pour la santé physique et mentale des travailleurs concernés, mais aussi pour la prestation de services aux utilisateurs.

Si notre Constitution et son article 23 sont bien plus qu'un « bout de papier », il faut mettre fin à ce sous-financement structurel des services publics et du non marchand, et à nouveau mettre tout en œuvre pour garantir le droit de chacun à une vie conforme à la dignité humaine, par le biais de services publics solidement développés.

Qu’est-ce que la dignité humaine ?

Il n’existe pas de définition et il n’y a aucune limite à cette notion. L’article 23 garantit « les droits économiques, sociaux et culturels » de chacun. Aujourd’hui, malheureusement la dignité humaine est devenue une variable d’ajustement du capitalisme. Par effet de domino, le travailleur qui ne peut bénéficier de conditions de travail décentes n’est pas en mesure de fournir des soins de qualité.

Quelques témoignages entendus

Ri de Ridder (INAMI) : « 10% du PNB est alloué aux soins de santé. Ce montant qui s’élève à 40 milliards d’euros est financé à hauteur de 18%, soit 9 milliards, par les ménages. Cela mène inévitablement à une grande vulnérabilité pour les ménages à faibles revenus. L’accès aux soins est très inégalitaire en raison des moyens financiers. En région bruxelloise par exemple, 40% des revenus les plus bas déclare postposer des soins médicaux pourtant nécessaires pour des raisons financières. Ces gens doivent faire un choix entre se nourrir ou aller chez le dentiste. Ce n’est pas normal !

Une autre inégalité sociale concerne l’espérance de vie en bonne santé. Une personne peu qualifiée peut espérer vivre en bonne santé jusqu’à 53 ans – et donc s’attendre à de sérieux problèmes de santé avant l’âge de la pension – alors qu’un-e universitaire peut espérer vivre en bonne santé jusqu’à 70 ans. »

Matthias Somers (Minerva) « La société doit faire des choix. Il faut être disposé à payer le prix si l’on veut aider les populations vulnérables au détriment d’un peu de confort. »

« Un enfant qui souffre d’autisme peut faire appel à une structure d’aide à domicile de base pour l’aider à accomplir les tâches de la vie quotidienne. Faute de moyens, le délai d’attente pour pouvoir bénéficier de cette aide s’élève de 3 à 6… ans ! Autant dire que la situation de nombreuses familles se détériore rapidement et qu’au bout de quelques temps celles-ci se retrouvent demandeuses d’une aide de crise. En 2017, 5000 enfants ont dû recourir à cette aide de crise, situation qui aurait pu être évitée si les moyens suffisants avaient été alloués à l’aide de première ligne. »

Saskia Van Nieuwenhove (Journaliste) : « J’ai vécu dans une structure d’accueil pendant 18 ans. Il y avait de l’humanité, de l’aide, de la proximité. Aujourd’hui, les jeunes victimes en situation de vulnérabilité n’ont pas droit à un accompagnement décent. Ces jeunes sont négligés, voire enfermés. »

Gino Hoppe (CGSP) : « Depuis 2000, pas un seul jour de grève n’a été consacré au pouvoir d’achat, mais parce que les gardiens sont à bout de souffle : surpopulation carcérale dramatique, bâtiments vétustes, absentéisme... Aujourd’hui, le manque de moyens et de personnel est criant. Il existe un arriéré de 500.000 jours de congé qui n’ont pas pu être pris par les travailleurs. Comment peut-on aider les détenus à se réintégrer dans la société alors que nous ne sommes même plus capable au quotidien de garantir le service minimum pour les prévenus ? »

Damien Scalia (ULB, Ligue des droits de l’Homme) : « ‘Une société se juge à l’état de ses prisons’. Et force est de constater qu’il existe un désengagement criant de l’Etat sur cette thématique. On y constate chaque jour des traitements inhumains et dégradants non volontaires. Les détenus se retrouvent à trois par cellules, couchent à même le sol, parmi les rats et les cafards dans certaines prisons. Il n’y a pas d’aération, de fenêtre qui s’ouvre. Les détenus prennent une douche par semaine. Il faut 2 mois pour voir un dentiste, un an pour voir un psychologue.

Construire de nouvelles prisons sans donner plus de moyens à la justice et à l’administration pénitentiaire ne sert à rien. Pour la ligue des droits de l’homme, la solution consiste à baisser l’incarcération excessive. »