« Tous les minima doivent augmenter jusqu’à 10 % au-dessus du seuil de pauvreté »

07 juillet 2018
Actualité

Un revenu digne, c’est ce que chacun s’efforce d’obtenir. Pour certains personnes, les aléas de la vie la rendent compliquée. Maladie, invalidité, chômage. Ces choses arrivent. Notre sécurité sociale est là pour nous protéger. Nous en avons parlé avec Astrid Thienpont, conseillère de notre service d’études. « La sécurité sociale est essentielle dans la lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale. Elle sert à donner à tout un chacun une protection sociale décente ».

Quel est le risque de tomber dans la pauvreté lorsque l’on est au chômage ?

« Avoir un travail est un rempart important contre la pauvreté. Le risque de pauvreté est significativement plus élevé chez les chômeurs que chez tout autre groupe de la population. C’est prouvé par différentes études. Le risque de pauvreté est immense. Près d’un sans emploi sur deux court un grand risque de tomber dans la pauvreté. »

Y-a-t ’il un lien établi entre pauvreté et allocations de chômage ?

« C’est quand même difficile à dire. Nous ne disposons pas de chiffres établissant le lien entre chômage et pauvreté. Beaucoup de chiffres existant sur la pauvreté sont basés sur l’âge. De ces chiffres il ressort que le groupe le plus vulnérable est celui des personnes en début de carrière. Dans le groupe des jeunes de 16 à 24 ans, se trouvent des personnes n’ayant jamais travaillé et ayant droit aux allocations d’insertion. Ce sont les indemnités de chômage les moins élevées, ce qui ne fait qu’augmenter le risque de pauvreté. »

Qu’est-ce-que cela signifie concrètement ?

« Dans certains cas, le montant des allocations est bien en-dessous du revenu d’intégration sociale, mais si vous avez droit au revenu d’insertion vous ne pouvez pas faire la demande pour un revenu d’intégration sociale. Vous êtes donc coincé dans un cercle vicieux. La durée de l’allocation a en plus été limitée à 36 mois en 2012, avec pour conséquence qu’un nombre de jeunes chercheurs d’emploi doit se tourner vers la CPAS ou tombe carrément sans revenu. C’est inacceptable qu’un groupe de jeunes commence de cette façon, avec un retard sur les autres dans la vie. »

Les allocations d’insertion ne sont-elles pas souvent une exception plutôt qu’une règle ?

« C’est exact. Car on reçoit en fait une allocation sans avoir jamais contribué. En principe, l’allocation de chômage est une combinaison de solidarité et d’assurance. »

A quel niveau ?

« Eh bien, lors des périodes où l’on travaille, les contributions sont calculées en fonction du salaire. Les allocations sont également calculées en fonction du salaire. D’un autre côté les allocations sont plafonnées et il existe des minima. L’allocation de chômage est donc une barrière contre la pauvreté, elle doit permettre de garder son niveau de vie. Les allocations de chômage complètes sont donc significativement plus élevée que des allocations d’insertion. »

Ce caractère d’assurance n’a-t-il pas été érodé ces dernières années ?

« Malheureusement oui. Pensons par exemple à l’idée lancée par Kris Peeters pour augmenter la dégressivité des allocations de chômage ainsi que les obligations (et leurs sanctions) auxquelles les chercheurs d’emploi sont soumis. »

Est-ce une solution d’augmenter les allocations de chômage ?

« Je ne pense pas que le problème se situe dans la façon dont sont calculées les allocations. Il faudrait en terminer avec 1) la limitation des salaires (qui empêchent que les salaires augmentent et donc les allocations aussi, 2) la prolifération des contrats précaires qui ne contribuent pas ou pas assez à la sécurité sociale. Il s’agit des stages, salaire des jeunes, flexijobs, etc… et 3) le nouveau système des revenus complémentaires non imposés constitue une grande menace pour le financement de la sécurité sociale. »

Y-a-t’il encore d’autres pratiques inacceptables ?

« Je pense avant tout aux allocations minimales qui sont en dessous du seuil de pauvreté. Presque 90% des allocations sociales se trouvent en dessous du seuil de pauvreté. Et ça en 2018 et dans un pays comme la Belgique. Donc nos efforts pour rendre las allocations sociales décentes sont très importantes. »

C’est-à-dire ?

« Tous les deux ans l’adaptation de l’enveloppe de bien-être provoque des tensions pour ce qui concerne les dépenses sociales. Le gouvernement considère ce poste comme pouvant servir à boucher des trous dans le budget : résultat, une baisse du montant de l’enveloppe de 40 %. Nous voulons que les allocations sociales soient décentes pour garantir le pouvoir d’achat des travailleurs, citoyens et pensionnés. »

Cela doit-il être individualisé ?

« Absolument. Il est inacceptable que des personnes ait peur des conséquences d’une modification de leur statut familial sur leurs allocations. Les coûts d’habitation constituent une grande part du budget familial. Louer devient impayable, 36,4% risquent de tomber dans la pauvreté. De plus en plus de personnes – surtout des jeunes– avec un revenu limité cherchent leur salut dans des formes de logements collectifs. Il n’est donc pas possible qu’ils soient sanctionnés en perdant la moitié de leurs allocations parce que cela est considéré comme une cohabitation. »

Que faire pour résoudre ce problème ?

« La FGTB a gagné un procès important auprès de la Cour de Cassation. Dans l’affaire qui l’opposait à l’Onem, la Cour a jugé qu’il pouvait seulement être question de cohabitation si il y a aussi un ménage commun. Il ne suffit donc pas d’habiter à la même adresse et de partager éventuellement certaines pièces de la maison pour parler de cohabitation. »

En conclusion, quelles sont les propositions de la FGTB ?

« La FGTB est très claire : supprimer la dégressivité des allocations et la limitation dans le temps des allocations d’insertion. A la place d’exclure les demandeurs d’emploi après 36 mois, le gouvernement doit prendre ses responsabilités et faire en sorte de pouvoir leur proposer un travail ou une formation adéquat(e). La FGTB veut aussi que toutes les périodes travaillées, donc aussi les stages et les emplois en statut précaire, contribuent à ouvrir le droit aux allocations de chômage. Enfin, toutes les allocations sociales devraient être 10% au-dessus du seuil de pauvreté. Alors seulement on pourra parler de revenus décents. »