Réforme du code pénal : Action « Protect the protest » au Parlement fédéral

21 février 2024
Presse

Ce mercredi 21 février, une dizaine de représentant.es des organisations syndicales, des droits humains, environnementales et sociales (1), menaient une protestation silencieuse dans la tribune publique de La Chambre. Lors de la discussion sur la réforme du code pénal, Livre II, ils et elles se sont mis du ruban adhésif sur la bouche et ont affiché des pancartes sur lesquelles on pouvait lire «Protect the protest ». En cause : un article qui réprime l’ «atteinte méchante à l’autorité de l’Etat » (2) et qui menace de restreindre le droit de manifester. Par cette action, ils et elles ont montré aux parlementaires leur incompréhension face à l’adoption d’une législation supplémentaire permettant de criminaliser plus facilement toute protestation légitime. Et les ont appelés à se positionner contre l'introduction de cette infraction dans le Code pénal, lors du vote prévu demain, jeudi 22 février.

« Notre mobilisation a permis de faire reculer il y a quelques semaines le gouvernement sur l’interdiction judiciaire de manifester, et a aussi permis de réveiller les consciences quant aux menaces sérieuses que faisait peser cette mesure sur les libertés fondamentales. Malheureusement, elle n’a pas calmé l’appétit de certain·es à rogner cet espace de liberté essentiel à la mobilisation de la société civile», expliquent les organisateurs de l’action.

Les organisations pointent le danger que représente le champ d’application potentiellement très large de cette infraction d’atteinte méchante à l’autorité de l’État. Ce danger n’est par ailleurs nullement écarté par l’introduction d’une exigence portant sur la nécessité d’une menace grave et réelle pour la sécurité nationale, la santé publique ou la moralité, insistent-elles. En effet, ces termes sont vagues et peuvent prêter à de multiples interprétations.

L’utilisation de la sanction pénale est particulièrement problématique au regard de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, qui estime qu’une telle sanction ne pourrait être utilisée qu’en vue de poursuivre l’expression d’opinions incitant à la violence, à la haine ou à l’intolérance. Or, des sanctions pénales sont déjà prévues à l’égard de tels discours violents.

« Il y a un risque réel que cet article puisse être utilisé afin de limiter la liberté d’expression et la liberté de protester des citoyen·nes, des militant·es, des organisations syndicales et des organisations de la société civile qui organisent régulièrement des actions pacifiques de protestation ou de désobéissance civile. Des organisations de jeunesse appelant régulièrement les élèves à méconnaître l’obligation scolaire afin de protester contre le manque d’ambition climatique de nos autorités pourront-elles à l’avenir être poursuivies sur base de cette nouvelle disposition ? Nous le craignons fortement. Le ministre de la Justice a soutenu que ce genre d’actions pacifiques ne seraient pas visées sans néanmoins préciser ce que vise concrètement cette disposition. Dès lors, nous ne sommes pas totalement rassuré·es », indiquent les membres de la coalition.

Face à cette nouvelle menace que font peser les autorités belges sur le droit à la liberté d’expression et le droit de protester, les organisations rappellent avec force que ces éléments constituent la pierre angulaire d’une société respectueuse des droits humains.

 

 

1 Signataires : Amnesty International Belgique, Belgisch Netwerk Armoedebestrijding (BAPN), Bond Beter Leefmilieu (BBL), Centre d'éducation populaire André Genot (CEPAG), CIRÉ, CGSLB-ACLVB, CNCD-11.11.11, Coalition climat, CSC-ACV, FGTB-ABVV, FOS, Greenpeace, Ligue des droits humains, Liga Voor Mensenrechten, Mouvement Présence et Action Culturelles (PAC), Progress lawyer network (PLN), MOC, Solidaris, Soralia, Vluchtelingenwerk Vlaanderen, Ligue des Familles.

 

2 Nouvel article 548 du Code pénal : « L’atteinte méchante à l’autorité de l'État. L’atteinte méchante à l’autorité de l’État consiste, dans une intention méchante et en public, à porter atteinte à la force obligatoire de la loi ou des droits ou à l’autorité des institutions constitutionnelles et ce, en provoquant directement à la désobéissance à une loi causant une menace grave et réelle pour la sécurité nationale, la santé publique ou la moralité. Cette infraction est punie d’une peine de niveau 1 lorsqu’elle porte sur une loi non-pénale, ou une loi pénale avec une infraction passible d’une peine de niveau 2 ou plus. Cette infraction est punie d’une peine de niveau 2 lorsqu’elle porte sur une loi pénale et une infraction passible d’une peine de niveau 5 ou plus. »